Tachycardie par réentrée intra-nodale

De Uness Cardiologie

Rédacteur : Dr Maxime Beneyto (CHU de Toulouse). Relecteur : Dr Guillaume Domain (CHU de Toulouse).

Définition et mécanisme

Il s’agit d’une tachycardie par réentrée. Celle-ci est rendue possible par une dualité nodale, c’est-à-dire que le nœud atrioventriculaire est divisé en (au moins) deux voies dont les propriétés électrophysiologiques sont différentes. Au cours de la tachycardie par réentrée intra-nodale, l’influx électrique va emprunter une voie dans le sens antérograde et une deuxième voie dans le sens rétrograde (Figure 1). La réentrée ne dépend que du nœud atrio-ventriculaire et peut donc théoriquement se poursuivre sans participation des ventricules (en cas de bloc intra- ou infra-hissien associé) ou des atria (des cas avec une conduction rétrograde en 2:1 ont été observés).[1] Ces cas sont extrêmement rares, on observe en règle générale une tachycardie avec une relation atrioventriculaire en 1:1.

Figure 1. L’encart A est une représentation schématique de l'atrium droit en vue latérale droite dont la paroi latérale aurait été excisée. Elle met en lumière les rapports anatomiques du nœud atrioventriculaire ainsi que son étendue spatiale. L’encart B est une représentation schématique de la réentrée ayant lieu dans les tachycardies par réentrées intra-nodales. Les flèches rouges montrent le circuit de la tachycardie.

Dans la dualité nodale, la voie rapide correspond à la voie normale empruntée par l’influx électrique en rythme sinusal ; elle conduit rapidement et a une période réfractaire longue. La voie lente, à l’inverse, conduit lentement et possède une période réfractaire plus courte. Elle peut rarement s’exprimer en rythme sinusal en cas de double réponse (Figure 2).[2] Il est important de noter que l’existence d’une dualité nodale est fréquente, environ 25% de la population générale,[3] mais seule une minorité des sujets qui en sont porteur développeront des épisodes de tachycardie par réentrée intra-nodale. La coexistence d’épisodes de tachycardie supraventriculaires et d’une dualité nodale ne suffit pas à affirmer qu’il s’agisse de tachycardies par réentrée intra-nodale.

Figure 2. L’encart A est une représentation schématique d’une dualité nodale où la voie lente et la voie rapide peuvent toutes les deux être empruntées simultanément de manière antérograde et générer une double réponse. L’encart B représente un ECG de double réponse : une unique onde P génère deux QRS. Le premier est précédé d’un PR normal, correspondant à l’emprunt de la voie rapide (en rouge), le second est précédé d’un PR très long, correspondant à l’emprunt de la voie lente (en bleu). L’encart C est un « diagramme en échelle » décrivant le chemin emprunté par l’influx électrique (le point correspond au rythme sinusal, NAV = nœud atrioventriculaire). L’encart D est un ECG 12 dérivations d’une double réponse. On note bien qu’il n’y a qu’une onde P (signalées par les flèches vertes) pour deux QRS avec des intervalles PR1 et PR2 fixes.

La dénomination anglaise de cette tachycardie est atrioventricular nodal reentrant tachycardia (AVNRT).

Classification

Plusieurs types de tachycardies par réentrées intra-nodales existent ; elles sont caractérisées par les voies empruntées dans le sens antéro- et rétrograde.

La tachycardie par réentrée intra-nodale typique est dite slow-fast. Cette dénomination indique respectivement la voie utilisée dans le sens antérograde et celle utilisée dans le sens rétrograde. L’influx électrique descend donc par la voie lente et remonte par la voie rapide (Figure 3).

Les tachycardies par réentrée intra-nodale atypiques sont de deux types :

  • La tachycardie par réentrée intra-nodale fast-slow où le trajet est inversé : descente par la voie rapide et remontée par la voie lente (Figure 4).
  • La tachycardie par réentrée intra-nodale slow-slow dans laquelle il existe deux voies lentes, l’une servant à la descente, l’autre à la remontée (Figure 5).
Figure 3. L’encart A est une représentation schématique du circuit emprunté lors d’une réentrée intra-nodale slow-fast ; la conduction antérograde a lieu par la voie lente et la conduction rétrograde par la voie rapide. L’encart B est un ECG schématique de tachycardie par réentrée intra-nodale slow-fast, l’onde P n’est pas visible car elle tombe dans la fin du QRS. L’encart C est un « diagramme en échelle » décrivant le chemin emprunté par l’influx électrique en tachycardie (NAV = nœud atrioventriculaire). L’encart D est un ECG 12 dérivation d’une tachycardie par réentrée intra-nodale slow-fast ; l’onde P peut se deviner à la fin du QRS.
Figure 4. L’encart A est une représentation schématique du circuit emprunté lors d’une réentrée intra-nodale fast-slow ; la conduction antérograde a lieu par la voie rapide et la conduction rétrograde par la voie lente. L’encart B est un ECG schématique de tachycardie par réentrée intra-nodale fast-slow, l’onde P est bien visible juste avant le QRS. L’encart C est un « diagramme en échelle » décrivant le chemin emprunté par l’influx électrique en tachycardie (NAV = nœud atrioventriculaire). L’encart D est un ECG 12 dérivation d’une tachycardie par réentrée intra-nodale fast-slow ; il s’agit d’un tracé un peu particulier, la tachycardie est à QRS larges car le patient a développé un bloc de branche gauche dans les suites d’un infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST récent.
Figure 5. L’encart A est une représentation schématique du circuit emprunté lors d’une réentrée intra-nodale slow-slow ; la conduction antérograde a lieu par une première voie lente et la conduction rétrograde par une deuxième voie lente. L’encart B est un ECG schématique de tachycardie par réentrée intra-nodale slow-slow, l’onde P est bien visible dans la pente ascendante de l’onde T. On note que l’intervalle RR est plus long que dans les formes précédemment décrites. L’encart C est un « diagramme en échelle » décrivant le chemin emprunté par l’influx électrique en tachycardie (NAV = nœud atrioventriculaire). L’encart D est un ECG 12 dérivation d’une tachycardie par réentrée intra-nodale fast-slow ; il s’agit d’un tracé un peu particulier, la tachycardie est à QRS larges car le patient présente un bloc de branche gauche fréquence-dépendant en tachycardie. L’onde P est bien visible dans les dérivations inférieures où elle déforme le sommet de l’onde T en la rendant aiguë.

Prévalence et démographie

Les tachycardies par réentrées intra-nodales représentent les tachycardies supraventriculaires paroxystiques les plus fréquentes (fibrillation atriale exclue).[4]

La distribution de l’âge des sujets atteints de tachycardies par réentrée intra-nodale est bimodale avec un premier pic vers 20 ans et un deuxième vers 40 ans.[5][6] Chez les jeunes patients, les premières crises surviennent vers la fin de l’adolescence puis se majorent, ce qui les pousse à consulter. Les femmes sont plus fréquemment concernées que les hommes.

Les tachycardies par réentrée intra-nodale surviennent dans la majorité des cas sur cœur sain.[4]

Les tachycardies par réentrée intra-nodale les plus fréquentes sont de type slow-fast (80% des cas).[5][7] Celles de type slow-slow sont les plus rares. Plus les patients sont âgés plus la prévalence des tachycardies par réentrée intra-nodale atypique augmente.[8]

Diagnostic

Description clinique

Au point de vue clinique, les patients présentent des crises de palpitations rapides, régulières, de début et de fin brutale. Elles peuvent être déclenchées par des variations brusques de la précharge comme l’inspiration brutale ou se pencher rapidement en avant. La moitié des patients présentant une tachycardie par réentrée intra-nodale typique se plaignent également de palpitations dans le cou. Ce « frog sign » est dû à la contraction de l’atrium droit sur la valve tricuspide fermée, engendrant un reflux sanguin dans les veines jugulaires.[5] Lorsque la crise se termine, les patients décrivent une sensation de soulagement, de vide, de chaleur et fréquemment une envie pressante d’uriner avec polyurie. De manière moins classique, certains patients peuvent se plaindre de douleur thoracique (oppression, pincement, etc.), de lipothymies ou de dyspnée. L’existence de syncopes véritables est possible mais rare et se rencontre essentiellement chez les sujets les plus âgés.

L’éventail de sévérité de la symptomatologie peut être très large, allant de crises de palpitations épisodiques de quelques battements aux tachycardies subintrantes ou incessantes.

Description électrocardiographique

A l’électrocardiogramme, la tachycardie est régulière, à QRS fins (sauf aberration de conduction ou bloc de branche préexistant, cf. Figure 4 et Figure 5). La fréquence est habituellement entre 180 et 240 bpm, mais elle est bien plus lente dans les tachycardies slow-slow (les deux voies étant lentes, le cycle de la tachycardie est nécessairement plus long).

L’onde P est nécessairement rétrograde, c’est-à-dire négative dans les dérivations inférieures (lorsqu’elle est visible) et positive en V1. Etant donné qu’elle naît du nœud atrioventriculaire, l’onde P dépolarise les atria droit et gauche simultanément ; sa durée est donc moindre que celle de l’onde P en rythme sinusal. La position de l’onde P rétrograde par rapport à l’intervalle RR renseigne sur le type de tachycardie par réentrée intra-nodale.

Dans les mécanismes slow-fast, la tachycardie est à RP’ très court, <90ms.[3] Bien souvent, elle n’est pas visible car elle est fondue dans le QRS (Figure 3). Elle peut être démasquée en comparant la morphologie du QRS en tachycardie et en rythme sinusal. En effet, dans la dérivation V1 en tachycardie, on peut déceler une pseudo-onde R’, inexistante en rythme sinusal, qui correspond à l’onde P rétrograde. Cela correspond au shoulder sign, également appelé « signe de Wellens ». De manière similaire, l’onde P peut être prise pour une onde s dans les dérivations inférieures, qui sera là encore absente en rythme sinusal (Figure 6).[9]

Dans les formes atypiques fast-slow (Figure 4), le RP’ est long, l’onde P rétrograde se trouve dans la deuxième moitié de l’intervalle RR, avant le QRS. Dans les tachycardies slow-slow (Figure 5), le RP’ est plus court (néanmoins >90ms), l’onde P rétrograde se trouve vers le milieu de l’intervalle RR ou dans la pente ascendante de l’onde T.

Figure 6. Comparaison de l’aspect des QRS en rythme sinusal et au cours de la tachycardie par réentrée intra-nodale slow-fast. L’onde P rétrograde peut être devinée car elle déforme la partie terminale des QRS. Représentation schématique et véritable ECG pour chaque cas.

Les tachycardies sont déclenchées par des extrasystoles atriales ou plus rarement des extrasystoles ventriculaires.

Elles s’interrompent le plus souvent par une modification des propriétés électrophysiologiques de la voie rapide qui finit par bloquer le passage de l’influx électrique. Dans le cas d’une tachycardie par réentrée intra-nodale typique, la tachycardie s’arrête de manière caractéristique sur une onde P rétrograde (Figure 7). L’arrêt de la tachycardie sur un complexe QRS fera d’avantage évoquer une tachycardie atriale, sans pouvoir éliminer un mécanisme de réentée.

L’arrêt de la tachycardie peut être spontané ou provoqué. Dans ce dernier cas, il sera obtenu par la réalisation de manœuvres vagales ou l’administration de médicaments. Ces différentes options seront détaillées dans la section « Traitement ». L’efficacité de ces mesures n’est pas pathognomonique du diagnostic de tachycardie jonctionnelle mais reste très évocatrice. L’existence d’une préexcitation ventriculaire sous l’effet de l’adénosine pourra nous orienter, vers une réentrée sur voie accessoire.

Figure 7. L’encart A montre un ECG de réduction de tachycardie par réentrée intra-nodale slow-fast sous l’effet de l’adénosine. L’encart B reprend une dérivation du même tracé et y adjoint un « diagramme en échelle » pour expliquer en détail la séquence observée (les points représentent les battements sinusaux, les étoiles les battements ectopiques, les traits rouges les passages par la voie rapide et les traits bleus les passages par la voie lente, NAV = nœud atrioventriuclaire). Les quatre premiers battements sont issus de la réentrée intra-nodale slow-fast. Après le quatrième battement, la tachycardie cesse brutalement après avoir donné une onde P rétrograde. L’influx électrique bloque en antérograde dans la voie lente. Suite à la pause induite par l’adénosine, on observe une reprise de l’activité sinusale qui n’a pas le temps d’atteindre la voie rapide car un échappement ventriculaire arrive quelques millisecondes après. Le deuxième battement sinusal génère un QRS de fusion avec un autre échappement ventriculaire, un peu plus tardif que le précédent. S’ensuit une reprise du rythme sinusal normal.

L’ECG en rythme sinusal est strictement normal (en l’absence de pathologie associée).

Description électrophysiologique endocavitaire

L’exploration électrophysiologique des tachycardies par réentrées intra-nodale se fait idéalement à l’aide de trois cathéters (sinus coronaire, faisceau de His et ventricule droit) (Figure 8). Il peut être utile de positionner une sonde décapolaire dans le sinus coronaire dans l’éventualité d’un diagnostic différentiel de voie accessoire. L’utilisation d’un système de navigation et de cartographie tridimensionnel a peu d’intérêt pour le diagnostic des cas classiques.

Figure 8. Cette figure en une représentation des vues en scopie du positionnement intracardiaque des cathéters. L’encart A correspond à une vue oblique antérieure droite et l’encart B à une vue oblique antérieure gauche. Dans chaque cas, la vue scopique est répétée à gauche avec superposition des structures anatomiques.

Exploration en rythme sinusal

Lorsque l’exploration a lieu en rythme sinusal, elle va avoir pour objectif premier de démontrer l’existence d’une dualité nodale. C’est le cas lorsqu’un extrastimulus atrial permet d’allonger l’intervalle AV (plus exactement l’intervalle AH) de plus de 50 ms alors qu’il n’est plus précoce que l’extrastimulus du train de stimulation précédent que de 10 (ou 20) ms. C’est ce qu’on appelle un saut de conduction antérograde (Figure 9). Un saut de conduction rétrograde peut plus rarement être démontré dans les mêmes conductions mais avec des extrastimuli ventriculaires. Ces sauts correspondent à un blocage de l’influx électrique dans la voie rapide avec un passage abrupt sur la voie lente.

Figure 9. Enregistrements endocavitaires démontrant l’existence d’un saut de conduction. L’encart A montre le dernier extrastimulus avant le saut (entraînement S1 à 600 ms et extrastimulus S2 à 380 ms) ; l’intervalle S2-H est à 216 ms. Un diagramme en échelle détaille la séquence ; la conduction bloque systématiquement dans la voie lente. L’encart B montre l’extrastimulus suivant, plus précoce de 10 ms (entraînement S1 à 600 ms et extrastimulus S2 à 370 ms). L’intervalle S2-H s’est brusquement allongé de 70 ms pour atteindre 286 ms. C’est le saut de conduction antérograde. Le diagramme en échelle détaille la séquence et montre explicitement le passage à une conduction sur la voie lente.

Un autre signe très évocateur de l’existence d’une dualité nodale est la capacité d’une stimulation atriale à fréquence croissante à repousser progressivement le ventriculogramme au-delà de la stimulation atriale suivante. On observe alors un intervalle PR plus long que l’intervalle RR (cross over, Figure 10).

Figure 10. Représentation d’une manœuvre de stimulation atriale à fréquence croissante chez un patient porteur d’une dualité nodale. On remarque que la troisième stimulation atriale engendre le 3e complexe ventriculaire, qui survient au-delà de la stimulation atriale suivante. Cela est probablement concomitant d’un passage de la conduction de la voie rapide à la voie lente comme schématisé sur le diagramme en échelle au-dessous.

Il est très important de souligner que l’existence d’une dualité nodale est fréquente dans la population générale (environ 25% des sujets) ;[3] l’écrasante majorité de ces sujets ne développera jamais de tachycardie. Par conséquent, la simple existence d’une dualité nodale ne permet pas en soi d’affirmer le mécanisme par réentrée intra-nodale d’une tachycardie supraventriculaire. L’exploration électrophysiologique doit être rigoureuse pour ne pas passer à côté d’un diagnostic différentiel.

Dans les cas typiques, le saut de conduction s’accompagne d’un écho, c’est-à-dire d’un signal atrial concomitant au signal ventriculaire, témoin d’une remontée par la voie rapide. Il n’est pas rare que cela suffise à engendrer la tachycardie (Figure 11). Des échos rétrogrades sont également possibles.

Figure 11. Enregistrements endocavitaires démontrant l’existence d’un saut de conduction avec écho et démarrage d’une tachycardie par réentrée intra-nodale slow-fast. L’encart A montre le dernier extrastimulus avant le saut (entraînement S1 à 500 ms et extrastimulus S2 à 230 ms) ; l’intervalle S2-V est à 232 ms. Un diagramme en échelle détaille la séquence ; la conduction bloque systématiquement dans la voie lente. L’encart B montre l’extrastimulus suivant, plus précoce de 10 ms (entraînement S1 à 500 ms et extrastimulus S2 à 220 ms). L’intervalle S2-V s’est brusquement allongé de 179 ms pour atteindre 411 ms. C’est le saut de conduction antérograde, il est accompagné ici d’un écho (activité atriale apparaissant immédiatement après le potentiel ventricule par passage rétrograde via la voie rapide), et plus généralement, d’un démarrage de la tachycardie. Le diagramme en échelle détaille la séquence.

La stimulation parahissienne montre une réponse nodale, c’est-à-dire un allongement de l’intervalle VA à la perte de capture hissienne (obtenue par diminution de la tension de stimulation, Figure 12).

Figure 12. Représentation d’une manœuvre de stimulation parahissienne avec réponse nodale. La partie haute correspond à une représentation schématique de l’anatomie et du trajet emprunté par l’influx électrique ; le point rouge correspond à la stimulation hissienne et le diamètre de celui-ci à la tension de stimulation. La stimulation à haute tension engendre une capture du faisceau de His (C) et un QRS fin, l’activation rétrograde des atria se fait avec un délai court car l’influx électrique n’a qu’à traverser le nœud atrioventriculaire. Lorsque la tension de stimulation est plus basse (partie droite de la figure), il y a une capture du myocarde local mais une perte de capture du faisceau de His (NC). Le QRS est donc large et l’influx électrique doit descendre en distalité dans le ventricule pour atteindre le réseau de Purkinje avant de pouvoir se diriger de manière rétrograde vers le faisceau de His, le nœud atrioventriculaire et enfin dépolariser les atria. L’intervalle entre la stimulation et le potentiel atrial est donc allongé. Cela élimine l’existence d’une voie accessoire, en particulier septale.

L’induction des tachycardies se fait par l’administration d’un ou plusieurs extrastimuli atriaux. L’objectif est de bloquer la voie rapide pour emprunter la voie lente dans le sens antérograde et initier la réentrée. Il faut parfois recourir à l’isoprénaline pour moduler les propriétés de conduction respectives de la voie lente et de la voie rapide et obtenir les conditions favorables à la réentrée. Dans de rare cas les extrastimuli ventriculaires vont permettre de déclencher la réentrée.

Exploration en tachycardie

Lors de l’exploration électrophysiologique endocavitaire en tachycardie, on observe le plus souvent un rapport en 1:1 entre l’activité atriale et ventriculaire.

Du fait du mécanisme réentrant, les variations de l’intervalle HH précèdent celles de l’intervalle AA.

Pour les tachycardies par réentrée intra-nodale typique, l’activation atriale est concentrique (elle débute par l’auriculogramme hissien, se propage de la partie proximale vers la partie distale du sinus coronaire ; elle se propage en parallèle en remontant le long de la paroi latérale de l’atrium droit). L’intervalle VA (entre le ventricule « V » et l’activité atriale « A ») est très court sur le cathéter hissien (<60ms, parfois négatif) (Figure 13, Figure 14).

Pour les tachycardies par réentrée intra-nodale atypiques, l’intervalle VA est long (Figure 13).

Figure 13. Représentation schématique des tracés endocavitaires au cours des tachycardies par réentrée intra-nodale accompagnés des « diagrammes en échelle » correspondant. L’encart A correspond à une tachycardie slow-fast, l’encart B à une tachycardie fast-slow et l’encart C à une tachycardie slow-slow. On note que dans chaque cas, l’activation atriale est concentrique et que la position des électrogrammes atriaux dans le RR varie selon le type de tachycardie (NAV = nœud atrioventriculaire, CS = sinus coronaire).
Figure 14. Enregistrement endocavitaire au cours d’une tachycardie par réentrée intra-nodale slow-fast. Un cathéter d’ablation est placé près du faisceau de His et un cathéter quadripolaire est placé dans le sinus coronaire.
Manœuvres d’entrainement

La manœuvre d’entrainement principale dans le diagnostic différentiel des tachycardies supraventriculaires est l’entraînement ventriculaire en tachycardie. Un train de stimulation est délivré à l’aide du cathéter placé dans le ventricule droit avec un cycle plus court de 10 à 20 ms à celui de la tachycardie.

A l’arrêt de cet entraînement ventriculaire, on observe une réponse VAV (plus précisément VAHV). Cela distingue les tachycardies par réentrée intra-nodale des tachycardies atriales, ces dernières présentant une réponse VAAV (Figures 15 et 16).

L’intervalle entre la dernière stimulation ventriculaire et le premier signal recueilli sur la sonde ventriculaire à l’arrêt de l’entraînement (PPI, Post Pacing Interval) est long (supérieur de plus de 110 ms au cycle de la tachycardie, après correction de l’allongement de l’intervalle AH par la stimulation) car le ventricule ne fait pas partie du circuit. Le délai entre la stimulation ventriculaire et le recueil du signal atrial dans le sinus coronaire (intervalle S-A) est plus long que le délai entre le signal ventriculaire et le signal atrial en tachycardie (intervalle V-A) car l’activation du ventricule et de l’atrium est séquentielle pendant l’entraînement ventriculaire alors qu’elle est quasi simultanée en tachycardie (différence entre S-A et V-A >85 ms) (Figures 15 et 16).

Figure 15. Représentation d’une manœuvre d’entraînement ventriculaire au cours d’une tachycardie par réentrée intra-nodale typique. La partie haute correspond à un enregistrement endocavitaire et est détaillée en bas par un « diagramme en échelle ». Les deux premiers complexes surviennent spontanément en tachycardie. Celle-ci présente un cycle dénoté « TCL » (tachycardia cycle length). L’intervalle VA en tachycardie est annoté et est très court. Le troisième complexe ventriculaire correspond à une stimulation électrique délivrée à l’apex du ventricule droit. Il est donc légèrement prématuré et vient modifier la séquence de la tachycardie : le potentiel hissien passe après le potentiel ventriculaire et les potentiels atriaux sont décalés dans le temps. L’intervalle entre le stimulus ventriculaire et le potentiel atrial est dénoté « SA » et est long. La différence SA-VA est supérieure à 85 ms. Les pointillés correspondent à une ellipse, toutes les stimulations ventriculaires délivrées pendant l’entraînement n’ont pas été représentées. Le quatrième complexe ventriculaire correspond au dernier stimulus de l’entraînement. Il génère un potentiel ventriculaire (V) puis un potentiel atrial (A) ; la tachycardie se poursuit (indispensable à la validité de la manœuvre) avec un potentiel hissien (H) puis un potentiel ventriculaire (V). La réponse à l’arrêt de l’entraînement ventriculaire est donc VAHV. L’intervalle entre la dernière stimulation ventriculaire et le premier potentiel ventriculaire suivant en tachycardie est dénoté « PPI » (post pacing interval). On remarque qu’il est long (supérieur à 110 ms) car l’apex du ventricule droit où est réalisée la stimulation est à distance du circuit de la réentrée. Il s’agit donc de la réponse typique attendue après un entraînement ventriculaire dans le cadre d’une tachycardie par réentrée intra-nodale.
Figure 16. Enregistrement endocavitaire de la réponse d’une tachycardie par réentrée intra-nodale à un entraînement ventriculaire. Les trois premiers complexes correspondent aux trois dernières stimulations de l’entraînement ventriculaire et les trois suivant à la tachycardie se poursuivant. Le cycle de la tachycardie est à 354 ms. L’entraînement est réalisé avec un cycle de 320 ms. L’intervalle AA en tachycardie est également à 320 ms, ce qui signe le succès d’entraînement. L’intervalle VA en tachycardie est très court à 14 ms (il s’agit d’une réentrée typique). L’intervalle SA est mesuré à 102 ms ; la différence SA-VA est donc longue à 88 ms, ce qui est en faveur d’une réentrée intra-nodale et en défaveur d’une réentrée sur voie accessoire. Le PPI est mesuré à 498 ms ; la différence avec le cycle de la tachycardie est donc de 144 ms, ce qui est long, en faveur d’une tachycardie par réentrée intra-nodale et en défaveur d’une réentrée sur voie accessoire. Enfin, la réponse à l’arrêt de l’entraînement est de type VAV, ce qui est en faveur d’une tachycardie par réentrée intra-nodale et en défaveur d’une tachycardie atriale focale ou d’une macroréentrée atriale.

L’initiation de l’entraînement ventriculaire est également utile au diagnostic de la tachycardie. Dans une réentrée intra-nodale, le ventricule ne faisant pas partie du circuit, il est nécessaire d’avoir plusieurs stimulations ventriculaires (avec capture complète) avant que l’influx ne pénètre le NAV (et donc le circuit de la tachycardie) et n’aboutisse à un entrainement de celle-ci. Cette caractéristique distingue les réentrées intra-nodales des réentrées sur voie accessoire où le ventricule fait partie du circuit. (Figure 17).

Figure 17. Représentation d’une initiation d’entraînement ventriculaire en tachycardie par réentrée intra-nodale. Le premier complexe QRS fait partie de la tachycardie. Le second et le troisième sont le résultat d’une stimulation ventriculaire ; on remarque qu’ils sont fusionnés car le ventricule est en partie dépolarisé par la stimulation et en partie par la tachycardie. Le quatrième QRS ne présente pas de fusion ; il s’agit du premier complexe résultant d’une dépolarisation du ventricule complètement issue de la stimulation. Suite à ce QRS, on voit sur le diagramme en échelle que le faisceau de His est dépolarisé de manière rétrograde mais que l’influx n’atteint pas le nœud atrioventriculaire et donc pas le circuit de la tachycardie. Le potentiel atrial qui suit est issu de la tachycardie, il n’est donc pas entraîné ni avancé. Le cinquième QRS ne présente pas non plus de fusion, cette fois-ci, il parvient à pénétrer le nœud atrioventriculaire et génère l’onde P suivante qui est donc avancée. Il s’agit de la première activité atriale entraînée, à partir de là, la durée de l’intervalle VA est fixe. Il aura donc fallu deux QRS avec capture ventriculaire complète pour entraîner les atria, ce qui exclut une tachycardie par réentrée sur voie accessoire. Cette manœuvre est souvent appelée « manœuvre de Dandamudi ».[10]

Un entraînement atrial peut également être délivré en tachycardie. A l’arrêt de celui-ci, l’intervalle VA est constant ou presque (<14 ms), que la stimulation soit effectuée sur la partie haute de l’oreillette droite ou la partie proximale du sinus coronaire. Cette caractéristique distingue la tachycardie par réentrée intra-nodale d’une tachycardie atriale pour laquelle il n’y a pas de circuit de réentrée. Il n’y a donc pas de lien entre le potentiel ventriculaire et le potentiel atrial suivant ; l’intervalle VA à l’arrêt de l’entrainement atrial sera variable et dépendant de la fréquence de stimulation atriale et de sa localisation par rapport au foyer de la tachycardie.

Figure 18. Représentation d’un entraînement atrial au cours d’une tachycardie par réentrée intra-nodale (atypique dans ce cas). L’encart A correspond à un entraînement depuis l’atrium droit (HRA). A l’arrêt de l’entraînement, on mesure la durée de l’intervalle VA. L’encart B correspond à un entraînement depuis le sinus coronaire proximal (CSp). A l’arrêt de l’entraînement, la durée de l’intervalle VA est identique à celle obtenue lors de l’entraînement depuis l’atrium droit. Cela démontre que le ventricule et l’atrium sont liés (VA linking), ce qui exclut la possibilité d’une tachycardie atriale. Cette manœuvre est souvent appelée « manœuvre de Maruyama ».[11]
Extrastimuli ventriculaires et atriaux en tachycardie

Les battements ventriculaires prématurés (spontanés ou provoqués) peuvent recycler la tachycardie, ils avancent alors le potentiel hissien suivant et ne modifient pas la séquence d’activation atriale (Figure 19).

Figure 19. Représentation d’un extrastimulus ventriculaire précoce délivré en cours de tachycardie par réentrée intra-nodale. La partie inférieure est un diagramme en échelle détaillant la séquence. L’extrastimulus est représenté par une étoile.

Les extratimuli ventriculaires en période réfractaire du His n’ont aucun effet sur la tachycardie puisqu’ils ne peuvent pas pénétrer le circuit de celle-ci (Figure 20).

Figure 20. Représentation d’un extrastimulus ventriculaire tardif délivré en période réfractaire du faisceau de His en cours de tachycardie par réentrée intra-nodale. La partie inférieure est un diagramme en échelle détaillant la séquence. L’extrastimulus est représenté par une étoile. On remarque que celui-ci ne vient pas perturber la tachycardie.

Les extrasystoles ou extrastimuli atriaux tardifs en tachycardie n’atteignent pas le nœud atrioventriculaire et n’avancent pas le potentiel hissien ni le potentiel ventriculaire (Figure 21) ; elles peuvent en revanche retarder l’émergence de l’activité atriale suivante.

Figure 21. Représentation d’un extrastimulus atrial tardif délivré au cours d’une tachycardie par réentrée intra-nodale. La partie inférieure est un diagramme en échelle détaillant la séquence. L’extrastimulus est représenté par une étoile. On remarque que celui-ci ne vient pas perturber la tachycardie.

Lorsqu’elles n’interrompent pas la tachycardie, les extrasystoles ou extrastimuli atriaux précoces n’ont pas d’effet sur le potentiel hissien survenant immédiatement après (contrairement aux tachycardies jonctionnelles automatiques) mais avancent le potentiel hissien suivant. La précocité de ce potentiel hissien est moindre que celle de l’extrastimulus atrial du fait des propriétés de conduction décrémentielle du nœud atrioventriculaire (Figure 22).

Figure 22. Représentation d’un extrastimulus atrial précoce délivré au cours d’une tachycardie par réentrée intra-nodale. La partie inférieure est un diagramme en échelle détaillant la séquence. L’extrastimulus est représenté par une étoile. Ce n’est pas le premier potentiel hissien mais le second qui est avancé.

Dans les cas simples, l’entraînement ventriculaire suffit au diagnostic : la réponse VA(H)V élimine la tachycardie atriale, le PPI et le SA-VA longs écartent la tachycardie orthodromique.

L’émergence atriale de la voie lente se situe habituellement sur le bord antérieur du sinus coronaire. Outre cette localisation habituelle, deux autres localisations de voie lente ont été décrites, avec un impact sur le geste d’ablation (Figure 23).

Figure 23. Représentation schématique de l’émergence atriale des différentes voies lentes avec les séquences d’activation atriale correspondantes. A noter qu’il faut visualiser le point vert comme étant en avant de l’ostium du sinus coronaire et non pas à l’intérieur de ce dernier.

Traitement

Traitement aigu

Le principe du traitement aigu est de bloquer la conduction atrioventriculaire dans la voie rapide pour arrêter la réentrée.

Cet objectif peut être atteint à l’aide de manœuvres vagales diverses réalisées par le patient : efforts de toux, réalisation du poirier, succion de glaçons, manœuvre de Valsalva (expiration forcée à bouche fermée pour augmenter la pression intrathoracique et stimuler le baroréflexe). Ces manœuvres ont souvent été tentées sans succès par les patients présentant des crises récurrentes. Elles peuvent être enseignées aux patients qui ne les connaissent pas.

Des manœuvres vagales peuvent être réalisées par le médecin : massage sinocarotidien (dans la mesure du possible on s’assurera d’absence d’athérome carotidien menaçant chez les sujets à risque avant d’initier le massage), compression oculaire (peu pratiquée) ou encore manœuvre de Valsalva inversée (voir la publication d’Appelboam et al.).[12]

En seconde intention, lorsque ces manœuvres ont échoué, l’adénosine peut être utilisée (20 mg en intraveineuse flash). Ce médicament est très efficace, il arrête la conduction atrioventriculaire et donc la tachycardie. S’il révèle une préexcitation, il faut plutôt évoquer le diagnostic de réentrée atrioventiculaire sur voie accessoire. L’adénosine est souvent responsable d’une pause sinusale qui peut être impressionnante mais sans gravité, avec une récupération rapide. Demander au patient de tousser peut permettre d’accélérer cette récupération. Il faut noter que l’adénosine est très désagréable pour les patients ; ils décrivent une sensation d’étouffer, des bouffées de chaleur et une sensation de « partir ». L’adénosine est contre-indiquée chez les patients asthmatiques. Par précaution, elle ne doit être administrée qu’en milieu hospitalier avec une surveillance ECG continue et à proximité d’un chariot d’urgence.

Lorsque la tachycardie résiste à l’adénosine ou récidive peu après, on peut administrer un inhibiteur calcique bradycardisant intraveineux (ou un bêtabloquant). Dans ces cas il faudra surtout remettre en question le diagnostic de tachycardie par réentrée intra-nodale.

Traitement chronique

Le traitement au long cours va essentiellement dépendre de la gêne du patient (durée des crises et intensité des symptômes pendant la crise) et de la fréquence des accès de tachycardie. En effet, il s’agit d’une tachycardie totalement bénigne, l’objectif du traitement sera uniquement de soulager la symptomatologie du patient.

Pour les crises peu fréquentes et peu invalidantes, l’abstention thérapeutique est le plus souvent la règle, en enseignant au patient quelques manœuvres vagales.

En cas de crises peu fréquentes mais prolongées, un traitement par inhibiteur calcique bradycardisant à libération immédiate à la demande peut être proposé mais cela implique que le patient supporte sa crise jusqu’à ce que l’absorption digestive du traitement soit effective et qu’il se révèle efficace (soit 20 à 60 minutes).

Lorsque les crises sont plus fréquentes et/ou invalidantes, le traitement de choix est l’ablation par cathéter.

Chez les patients réticents à cette prise en charge, on peut proposer un traitement au long cours par bêtabloquant ou inhibiteur calcique bradycardisant. Ce traitement n’est cependant efficace que dans 30 à 60 % des cas.

Après un échec du traitement médical de première ligne, lorsque le patient refuse catégoriquement une procédure d’ablation, on peut proposer en deuxième ligne un traitement par flécainide ou propafénone (sous réserve de l’absence de cardiopathie). Si ce traitement échoue, il faudra alors se résoudre à prescrire des traitements possédant des effets indésirables significatifs (ce qui devrait plutôt faire reconsidérer l’ablation) : sotalol, dofétilide, amiodarone ou digoxine (ce dernier ayant peu de chances d’être efficace du fait du contexte orthosympathique des tachycardies).

L’objectif de l’ablation par cathéter est de détruire la voie lente, tout en préservant la voie rapide. Dans la plupart des cas, elle est réalisée dans la suite de l’exploration électrophysiologique qui confirme le diagnostic. La procédure est donc pratiquée sur un patient en décubitus dorsal sur la table d’électrophysiologie, relié à un ECG 12 dérivations et sous surveillance tensionnelle et de la saturation en oxygène. Sous anesthésie locale, une ponction veineuse fémorale droite (de préférence échoguidée) est réalisée pour permettre d’amener les cathéters diagnostiques et d’ablation jusqu’au cœur via la veine cave inférieure. L’anesthésie locale peut être complétée par une anxiolyse et une antalgie par voie générale. Les procédures sous anesthésie générale sont exceptionnelles.

Le cathéter d’ablation est positionné avant tout sur des critères anatomiques : en avant du sinus coronaire (vers l’anneau tricuspidien) et en caudal du faisceau de His (Figure 24). Si l’ablation échoue à cet endroit, on peut cibler le toit du sinus coronaire, après avoir pénétré celui-ci de 1 à 3 cm (cela correspond à l’extension inférieure gauche du nœud atrioventriculaire). Dans de rare cas, il faut délivrer l’ablation à gauche, à la partie postérieure du septum inter-atrial, près de l’anneau mitral. Les sites où l’ablation se révèle efficace ont généralement un rapport d’amplitude des signaux atriaux et ventriculaires entre 0.5 et 0.8.

On peut également chercher des critères électrographiques comme le potentiel de Jackman (aigu et bref, indiquant la connexion atriale de la voie lente)[13] ou le potentiel plus long et plus mousse décrit par Haïssaguerre.[14]

Figure 24. L’encart A est une représentation du positionnement du cathéter d’ablation en vue oblique antérieure gauche. L’encart B représente les signaux intracardiaques recueillis par le cathéter d’ablation dans une position favorable pour atteindre la voie lente.

Dans le cas de réentrées intra-nodales atypiques, l’utilisation d’un système de cartographie et de navigation tridimensionnel permet d’observer l’émergence atriale de l’influx électrique rétrograde en tachycardie et de réaliser une ablation ciblée. Dans le cas des réentrées de type slow-slow, cette émergence s’observe plutôt à la partie antérieure de l’ostium du sinus coronaire.

L’ablation peut être réalisée par deux énergies différentes : la cryoablation (« le froid ») ou la radiofréquence (« le chaud »). Le choix dépend principalement des habitudes de l’opérateur.

Par radiofréquence, à l’aide d’un cathéter orientable non irrigué, on va chercher à appliquer une puissance de 30 à 50 W pendant 30 à 60 secondes à l’endroit sus-décrit. La délivrance de la radiofréquence génère souvent dans les 10 – 20 premières secondes un rythme jonctionnel actif lent (prédictif du succès d’ablation, Figure 25) au cours duquel il est impératif de vérifier la survenue d’un signal atrial systématique (son absence suggère la possibilité d’un bloc atrioventriculaire débutant et doit faire cesser l’ablation immédiatement sous peine de lésions irréversibles). Un rythme jonctionnel actif rapide évoque quant à lui une atteinte du faisceau de His, suggérant qu’une bloc atrioventriculaire complet est imminent et imposant là encore l’arrêt immédiat du tir d’ablation. L’ablation par radiofréquence jouit d’un taux de succès de près de 95%. L’impossibilité de réinduire une tachycardie est un critère de succès de l’ablation ; on peut tolérer la persistance d’un écho unique. L’ablation de la voie lente améliore souvent les propriétés de conduction de la voie rapide et l’intervalle AH est plus court en fin qu’en début de procédure.

Figure 25. Enregistrement endocavitaire au cours d’une ablation de voie lente démontrant la survenue d’un rythme jonctionnel lent. La partie basse de la figure est un diagramme en échelle détaillant la séquence.

Par cryoablation, on va appliquer une température de -75°C pendant 4 min. Cette énergie n’engendre pas de rythme jonctionnel ; on réalise alors une stimulation atriale pour s’assurer de la persistance d’une conduction atrioventriculaire systématique. Cette énergie est considérée plus sûre car son effet possède une certaine réversibilité a son arrêt. En cas de bloc atrioventriculaire, l’arrêt de la cryoablation permet le plus souvent une régression du trouble de conduction. Le taux de récidive est plus élevé qu’en radiofréquence, notamment si un écho persiste au décours de l’ablation. Avant de délivrer la cryoablation en tant que telle, certaines équipes réalisent un cryomapping sur le site d’ablation sélectionné. Il est refroidi qu’à -30°C pendant 60 s, générant des lésions complétement réversibles. Cela permet de s’assure de l’absence d’allongement de conduction atrioventriculaire avant de délivrer l’énergie de cryoablation.

Les risques de la procédure doivent être clairement exposés au patient, étant donné que son objectif est purement symptomatique. Le bloc atrioventriculaire complet est la complication principale. Il survient lorsque c’est la voie lente qui est atteinte par l’ablation. Il demeure très rare (0.2 – 0.8% des procédures),[6][9] mais il impose l’implantation d’un pacemaker à une population jeune qui le gardera plusieurs décennies et encourra donc un risque surajouté non négligeable de complications en lien avec le dispositif (occlusion veineuse, fracture de sonde, infection, etc.).

Le choix de la cryoablation permettra d’avoir un risque plus faible de bloc atrioventriculaire au prix d’un taux de récidive plus élevé.[5]

Les autres risques sont communs à toutes les procédures d’ablation endocavitaire : complication de voie d’abord (faux-anévrysme ou fistule) et tamponnade. Ils surviennent dans environ 0.2% des cas chaque.[5]

Il faut également prévenir les patients que même en cas de succès d’ablation, ils peuvent ressentir des palpitations dans les semaines qui suivent celle-ci. Elles sont dues essentiellement à des extrasystoles atriales ou ventriculaires mais finissent par régresser. On pourra véritablement juger du succès de l’ablation passé ce délai.

Auteur(s): Maxime Beneyto

Références

  1. Katritsis DG, Josephson ME. Classification of electrophysiological types of atrioventricular nodal re-entrant tachycardia: a reappraisal. EP Eur. 2013 Sep;15(9):1231–40.
  2. Motté G, Dinanian S, Sebag C, Drieu L, Slama M. [Double responses]. Arch Mal Coeur Vaiss. 1995 Dec;88 Spec No 5:11–8.
  3. 3,0 3,1 et 3,2 Grolleau R, Gallay P. Arythmies cardiaques illustrées et expliquées. Montpellier: Sauramps médical; 2017.
  4. 4,0 et 4,1 Wu D, Denes P, Amat-Y-Leon F, Dhingra R, Wyndham CRC, Bauernfeind R, et al. Clinical, electrocardiographic and electrophysiologic observations in patients with paroxysmal supraventricular tachycardia. Am J Cardiol. 1978 May;41(6):1045–51.
  5. 5,0 5,1 5,2 5,3 et 5,4 Issa ZF, Miller JM, Zipes DP. 17 - Atrioventricular Nodal Reentrant Tachycardia. In: Issa ZF, Miller JM, Zipes DP, editors. Clinical Arrhythmology and Electrophysiology (Third Edition) [Internet]. Philadelphia: Elsevier; 2019. p. 560–98. Available from: https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/B9780323523561000177
  6. 6,0 et 6,1 Brugada J, Katritsis DG, Arbelo E, Arribas F, Bax JJ, Blomström-Lundqvist C, et al. 2019 ESC Guidelines for the management of patients with supraventricular tachycardiaThe Task Force for the management of patients with supraventricular tachycardia of the European Society of Cardiology (ESC). Eur Heart J [Internet]. 2019 Aug 31 [cited 2019 Sep 1]; Available from: https://academic.oup.com/eurheartj/advance-article/doi/10.1093/eurheartj/ehz467/5556821
  7. Sacher F, Maury P. 3 - Troubles du rythme et ablation. In: Précis de Rythmologie. Stimuprat; 2022. p. 159–436.
  8. Katritsis DG, Sepahpour A, Marine JE, Katritsis GD, Tanawuttiwat T, Calkins H, et al. Atypical atrioventricular nodal reentrant tachycardia: prevalence, electrophysiologic characteristics, and tachycardia circuit. Europace. 2015 Jul;17(7):1099.1-1106.
  9. 9,0 et 9,1 Katritsis DG, Camm AJ. Atrioventricular Nodal Reentrant Tachycardia. Circulation. 2010 Aug 24;122(8):831–40.
  10. Dandamudi G, Mokabberi R, Assal C, Das MK, Oren J, Storm R, et al. A novel approach to differentiating orthodromic reciprocating tachycardia from atrioventricular nodal reentrant tachycardia. Heart Rhythm. 2010 Sep;7(9):1326–9.
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  12. Appelboam A, Reuben A, Mann C, Gagg J, Ewings P, Barton A, et al. Postural modification to the standard Valsalva manoeuvre for emergency treatment of supraventricular tachycardias (REVERT): a randomised controlled trial. The Lancet. 2015 Oct;386(10005):1747–53.
  13. Jackman WM, Beckman KJ, McClelland JH, Wang X, Friday KJ, Roman CA, et al. Treatment of Supraventricular Tachycardia Due to Atrioventricular Nodal Reentry by Radiofrequency Catheter Ablation of Slow-Pathway Conduction. N Engl J Med. 1992 Jul 30;327(5):313–8.
  14. Haissaguerre M, Gaita F, Fischer B, Commenges D, Montserrat P, d’Ivernois C, et al. Elimination of atrioventricular nodal reentrant tachycardia using discrete slow potentials to guide application of radiofrequency energy. Circulation. 1992 Jun;85(6):2162–75.