ECG et digitaliques
Digitaliques
Les digitaliques (digitaline et digoxine) sont des substances d’origine végétale, découvertes au XVIIIème siècle et appartenant au groupe des glycosides cardiaques. Ces substances sont extraites d’une plante : la digitale pourpre ou la digitale laineuse. Seule la digoxine est commercialisée. A dose thérapeutique, la digoxine a un effet chronotrope négatif, dromotrope négatif et inotrope positif.
La digoxine bloque la pompe Na+/K+ ATPase, ce qui induit une augmentation de la concentration de sodium intracellulaire, elle-même responsable d’une augmentation de l’activité de l’échangeur Na+/Ca2+, entrainant une accumulation de calcium intracellulaire. Ces actions modifient le couplage excitation-contraction et sont responsables des effets inotropes positifs. La digoxine module également l’activité du système nerveux autonome en stimulant le centre bulbaire du nerf vague (effet vagomimétique).
Imprégnation
Les signes d’imprégnation ne sont pas corrélés avec la toxicité. Ils sont observés à des concentrations thérapeutiques, bien qu’ils soient souvent présents en cas de surdosage. Les différents signes ECG d'imprégnation digitalique sont :[1]
- Allongement de l’intervalle PR par ralentissement de la conduction dans le nœud atrioventriculaire
- Modification de l’onde T (aplatissement, inversion, pic à la partie terminale) pouvant mimer une ischémie ou une péricardite
- Raccourcissement de l’intervalle QT dû à une diminution du temps de repolarisation ventriculaire
- Modifications du segment ST avec aspect classique de cupule digitalique : dépression du segment ST, concave vers le haut, plutôt visible dans les dérivations inférieures et latérales, proportionnelle à l’amplitude de l’onde R
- Augmentation de l’amplitude de l’onde U, notamment en V3-V4
Surdosage
La toxicité de la digoxine se manifeste généralement pour des concentrations plasmatiques > 2ng/mL. Elle induit une hyperexcitabilité secondaire à l’inhibition profonde de la pompe Na/K ATPase, couplée à une activation de l’échangeur Na+/Ca2+ et responsable de l’accumulation de calcium intracellulaire. Cette augmentation de calcium est à l’origine d’activités déclenchées (cf post-dépolarisation tardives). La digoxine est une importante source de toxicité, souvent dans un contexte d’insuffisance rénale ou d’hypokaliémie associée.
Les manifestations ECG sont très variées, dépendant des troubles ECG pré-existants. On peut retrouver de manière non exhaustive[2] :
- Majoration des signes d’imprégnation (cf supra)
- Extrasystoles ventriculaires liées à l’augmentation de l’automaticité, souvent polymorphes, qui sont la manifestation la plus fréquente de la toxicité, mais aussi extrasystoles atriales et/ou jonctionnelles
- Arythmie ventriculaire soutenue (TV bidirectionnelle)
- Troubles conductifs : bradycardie sinusale avec souvent un BAV du 1er degré, dysfonction sinusale, BAV 2 Mobitz 1 (voir BAV 2/1) ; plus rarement BAV complet nodal avec rythme d’échappement
- Fibrillation atriale avec réponse ventriculaire lente (brady-FA ou BAV)
- Trouble du rythme supra-ventriculaire organisé (tachycardie atriale)
- Rythme idio-jonctionnel accéléré
La digoxine ne modifie pas la conduction intra-ventriculaire (par absence de récepteurs), et n’induit donc jamais de bloc de branche ou de BAV infra-nodal.
Les signes extra-cardiaques d’intoxication sont une asthénie, des nausées, vomissements, troubles de la vision des couleurs, parfois confusion.
Références
- ↑ Ma G, Brady WJ, Pollack M, Chan TC. Electrocardiographic manifestations: digitalis toxicity. J Emerg Med. 2001 Feb;20(2):145-52. doi: 10.1016/s0736-4679(00)00312-7. PMID: 11207409.
- ↑ Yang EH, Shah S, Criley JM. Digitalis toxicity: a fading but crucial complication to recognize. Am J Med. 2012 Apr;125(4):337-43. doi: 10.1016/j.amjmed.2011.09.019. PMID: 22444097.