L’onde J correspond à une surélévation du point J en forme de dôme ou de bosse située entre le QRS et le segment ST[1]. Elle peut être bien individualisée (« notching ») ou partiellement fusionnée avec le QRS (« slurring »). Elle est habituellement présente dans toutes les dérivations (négative en V1 et aVR) avec une amplitude maximale en V4 ou V3[2].

Historique

  • La première description d'une déflexion lente et positive juste en aval d'un QRS remonte à 1922 où Krauss et al. publient un électrocardiogramme en situation d'hypercalcémie[3]. En 1938, Tomashewski et al. constatent le même phénomène mais cette fois-ci chez un patient retrouvé accidentellement en hypothermie[4].

Quelques années plus tard en 1953, Osborn mène plusieurs études sur l’hypothermie et décrit l’onde J comme un « courant de lésion » myocardique lié à l’acidose créée par l’hypothermie. Bien que plusieurs observations aient été faites auparavant, la reconnaissance de la qualité de ses travaux ont conduit à l’appellation « onde J d’Osborn » [5].

Physiopathologie

Les phénomènes ioniques et cellulaires sous-jacents à l'onde J n'ont pas tout de suite été compris. En 1959, Emslie-Smith et al. retrouvent une réponse différente au froid entre les potentiels d'action des cellules épicardiques et ceux des cellules endocardiques chez des chiens plongés en hypothermie[6]. Cette théorie est appuyée en 1996 quand Yan et Antzelevitch mettent en évidence une activation précoce et transitoire des canaux potassiques repolarisants Ito des cellules épicardiques exposées au froid. L’onde J serait la résultante d’un gradient électrique transmural lié à l’hétérogénéité spatiale d’activation de ces canaux Ito en phase 1 du potentiel d’action[7].

Étiologies

L’onde J n’est pas pathognomonique de l’hypothermie. Trois autres diagnostics ont été bien identifiés :

  • L'hypercalcémie sévère[8]
  • Le syndrome de Brugada[9]
  • La repolarisation précoce et le syndrome de repolarisation précoce[10]

De façon plus exceptionnelle, d’autres diagnostics peuvent être associées à la présence d’ondes J :

  • Un accident vasculaire cérébral ou une hémorragie méningée[11]
  • Une ischémie myocardique, notamment par vasospasme[12]
  • Un syndrome de Tako-Tsubo[13]
  • Une hypertrophie ventriculaire gauche sévère[14]
  • Une prise de cocaïne[14]
  • Un surdosage en neuroleptique[14]

Implications cliniques

La signification clinique et les éventuelles complications associées à l’onde J restent débattues. Certaines études ont montré une évolution péjorative vers la fibrillation ventriculaire dès lors qu’apparaissait une onde J dans l’hypothermie [5][15] ou l'angor vasospastique [12]. Plusieurs mécanismes arythmogènes ont été proposés :

  • Il pourrait s’agir de phénomènes de ré-entrées en phase 2 dues à l’hétérogénéité de repolarisation épicardique[16].
  • D’autres ont proposé des activités déclenchées liée à la surcharge calcique intra-cellulaire induite par l’hypothermie, l’ischémie ou l’hypercalcémie[12][17].

Toutefois, ces complications rythmiques n'ont pas été retrouvé par toutes les études[1][18] et l'onde J d'une repolarisation précoce banale n'a pas du tout la même signification que celle d'un syndrome de repolarisation précoce[10]. Il s'agit donc d'une entité hétérogène qui pourrait n'être que le reflet de la sévérité globale de certaines situations pathologiques.

Auteur(s): Arsène Auperin

References

  1. 1,0 et 1,1 Gussak I, Bjerregaard P, Egan TM, Chaitman BR. ECG phenomenon called the J wave. History, pathophysiology, and clinical significance. J Electrocardiol. 1995 Jan;28(1):49-58. doi: 10.1016/s0022-0736(05)80007-x. PMID: 7897337.
  2. Omar HR, Camporesi EM. The correlation between the amplitude of Osborn wave and core body temperature. Eur Heart J Acute Cardiovasc Care. 2015 Aug;4(4):373-7. doi: 10.1177/2048872614552057. Epub 2014 Sep 29. PMID: 25267877.
  3. Kraus, F., Zondek, S.G. über die Durchtränkungsspannung. Klin Wochenschr 1, 1773–1779 (1922). https://doi.org/10.1007/BF01712506
  4. Tomaszewski W. Changements electrocardiographiques observes chez un homme mort de froid. Archives des Maladies du Coeur et des Vaisseaux. 1938; 31: 525-528
  5. 5,0 et 5,1 OSBORN JJ. Experimental hypothermia; respiratory and blood pH changes in relation to cardiac function. Am J Physiol. 1953 Dec;175(3):389-98. doi: 10.1152/ajplegacy.1953.175.3.389. PMID: 13114420.
  6. EMSLIE-SMITH D, SLADDEN GE, STIRLING GR. The significance of changes in the electrocardiogram in hypothermia. Br Heart J. 1959 Jul;21(3):343-51. doi: 10.1136/hrt.21.3.343. PMID: 13820224; PMCID: PMC1017590.
  7. Yan GX, Antzelevitch C. Cellular basis for the electrocardiographic J wave. Circulation. 1996 Jan 15;93(2):372-9. doi: 10.1161/01.cir.93.2.372. PMID: 8548912.
  8. Otero J, Lenihan DJ. The "normothermic" Osborn wave induced by severe hypercalcemia. Tex Heart Inst J. 2000;27(3):316-7. PMID: 11093425; PMCID: PMC101092.
  9. Bjerregaard P, Gussak I, Kotar SL, Gessler JE, Janosik D. Recurrent syncope in a patient with prominent J wave. Am Heart J. 1994 May;127(5):1426-30. doi: 10.1016/0002-8703(94)90070-1. PMID: 8172079.
  10. 10,0 et 10,1 Haïssaguerre M, Derval N, Sacher F, Jesel L, Deisenhofer I, de Roy L, Pasquié JL, Nogami A, Babuty D, Yli-Mayry S, De Chillou C, Scanu P, Mabo P, Matsuo S, Probst V, Le Scouarnec S, Defaye P, Schlaepfer J, Rostock T, Lacroix D, Lamaison D, Lavergne T, Aizawa Y, Englund A, Anselme F, O'Neill M, Hocini M, Lim KT, Knecht S, Veenhuyzen GD, Bordachar P, Chauvin M, Jais P, Coureau G, Chene G, Klein GJ, Clémenty J. Sudden cardiac arrest associated with early repolarization. N Engl J Med. 2008 May 8;358(19):2016-23. doi: 10.1056/NEJMoa071968. PMID: 18463377.
  11. Colin Hersch et al. Electrocardiographic Changes in Head Injuries. Circulation. 1961
  12. 12,0 12,1 et 12,2 Maruyama M, Atarashi H, Ino T, Kishida H. Osborn waves associated with ventricular fibrillation in a patient with vasospastic angina. J Cardiovasc Electrophysiol. 2002 May;13(5):486-9. doi: 10.1046/j.1540-8167.2002.00486.x. PMID: 12030532.
  13. Zorzi A, Migliore F, Perazzolo Marra M, Tarantini G, Iliceto S, Corrado D. Electrocardiographic J waves as a hyperacute sign of Takotsubo syndrome. J Electrocardiol. 2012 Jul-Aug;45(4):353-356. doi: 10.1016/j.jelectrocard.2012.04.004. Epub 2012 May 10. PMID: 22578876.
  14. 14,0 14,1 et 14,2 Patel A, Getsos JP, Moussa G, Damato AN. The Osborn wave of hypothermia in normothermic patients. Clin Cardiol. 1994 May;17(5):273-6. doi: 10.1002/clc.4960170511. PMID: 8004843.
  15. FLEMING PR, MUIR FH. Electrocardiographic changes in induced hypothermia in man. Br Heart J. 1957 Jan;19(1):59-66. doi: 10.1136/hrt.19.1.59. PMID: 13396078; PMCID: PMC503363.
  16. Lukas A, Antzelevitch C. Phase 2 reentry as a mechanism of initiation of circus movement reentry in canine epicardium exposed to simulated ischemia. Cardiovasc Res. 1996 Sep;32(3):593-603. PMID: 8881520.
  17. Di Diego JM, Antzelevitch C. High \Ca2+]o-induced electrical heterogeneity and extrasystolic activity in isolated canine ventricular epicardium. Circulation. 1994
  18. Eroglu O, Serbest S, Kufeciler T, Kalkan A. Osborn wave in hypothermia and relation to mortality. Am J Emerg Med. 2019 Jun;37(6):1065-1068. doi: 10.1016/j.ajem.2018.08.049. Epub 2018 Aug 19. PMID: 30170934.