ECG haute amplification
L'ECG haute amplification (ECG HA) est une méthode visant à réduire le niveau de bruit dans le signal afin de mettre en évidence une activité électrique de très faible amplitude et reproductible. Initialement développé dans le but d'enregistrer le potentiel hisien, l'ECG HA a échoué dans ce domaine et a été principalement étudié pour mettre en évidence des potentiels tardifs (PT), dans la partie terminale du du QRS. Ces potentiels tardifs, invisibles sur l'ECG 12 dérivations, représentent des zones myocardiques de conduction lente, substrats des arythmies ventriculaires par réentrée.
Enregistrement et définition
Initialement mis en évidence au cours de cartographie épicardique[1], le premier enregistrement des PT par méthode non invasive a été effectué par Fontaine et al. en 1978. [2]
La méthode la plus utilisée est celle de Simon, consistant en une sommation-moyennage temporelle de plusieurs centaines de QRS. L'ECG est enregistré selon la méthode de Frank par trois dérivations bipolaires orthogonales (x,y,z). Les trois pistes sont moyennées puis filtrées par un filtre bidirectionnel. Le principe est d'analyser la dépolarisation en renforçant les signaux répétitifs et en faisant disparaitre les signaux aléatoires. Les paramètres étudiés sont la durée totale du QRS filtré, la durée de la partie terminale du QRS dont l'amplitude est inférieure à 40 µV (appelé low activity signal ou LAS 40) et l'amplitude des dernières 40 msec du QRS (appelé root-mean-square ou RMS 40).
Un consensus a défini comme valeurs anormales :
- durée du QRS filtré > 114 ms
- LAS > 38 ms
- RMS < 20 µV
L'examen est considéré comme anomal si au moins 2 critères sont anormaux. En présence d'un bloc de branche, des valeurs différentes ont été proposées. [3]
Pour analyser correctement les potentiels tardifs, il faut connaitre les pièges et limites de cet examen. Le signal détecté doit être obligatoirement contrôlé à l'ECG conventionnel afin de s'assurer notamment que le QRS moyenné ne corresponde pas à une ESV et que le bruit de fond ne soit pas trop important, il doit être inférieur à 1 µV. La présence d'un trouble de conduction intraventriculaire et certaines médications qui modifient la dépolarisation ventriculaire (antiarythmique de classe IC par exemple) rendent les critères diagnostiques conventionnels non utilisables.
Il faut également rappeler qu'une éventuelle zone de conduction lente au début ou au milieu du QRS ne pourra pas être détecté. De plus, la présence de potentiels tardifs selon la méthode sus-décrite ne permet pas de corrélation électro-anatomique et donc de localisation la zone de conduction lente.
Principales applications
La principale application clinique est l'évaluation du risque de tachycardie ventriculaire (TV) par réentrée. La présence de potentiels tardifs est un élément en faveur d'un substrat anatomique, d'une zone de conduction lente nécessaire au phénomène de réentrée. Les potentiels tardifs ont principalement été étudiés dans la dysplasie arythmogène du ventricule droit (DAVD) et dans la cardiopathie ischémique.
Dysplasie arythmogène du ventricule droit :
C'est dans cette pathologie que Fontaine et al. ont pour la première fois enregistré des potentiels tardifs par voie épicardique, endocardique et par la technique de l'ECG haute amplification. [2] Les potentiels tardifs correspondent ici au ralentissement de l'influx électrique dans des zones de dysplasie où les myocytes ont été remplacés par du tissu fibro-adipeux. Leur présence fait partie des critères diagnostiques de DAVD : il s'agit d'un critère mineur alors que la présence d'une onde epsilon qui correspond à une retard de dépolarisation sur l'ECG 12 dérivations est un critère majeur. [4]Les potentiels tardifs sont présents chez près de 60% des patients avec DAVD et jusqu'à 93% en cas de forme sévère [5]. Ils sont fréquemment négatifs au stade précoce de la maladie, ce qui limite leur intérêt diagnostique [6]. Finalement l'ECG HA n'est plus réalisé dans la majorité des centres [7] et la recherche de potentiels tardifs a été retirée des critères diagnostiques internationaux de DAVD en 2020.
Cardiopathie ischémique :
La recherche de potentiels tardifs a été évaluée dans l'infarctus du myocarde comme facteur pronostique, essentiellement pour prédire le risque de TV et de mort subite. [8][9] Les résultats sont variables selon la date de l'enregistrement par rapport à l'infarctus, la technique et les normes utilisées.[10][11][12] . Bien que la valeur prédictive négative soit excellente (supérieure à 90%), la valeur prédictive positive reste basse de l'ordre de 20% [13][14]. L'ECG HA dans la prédiction du risque rythmique post infarctus est donc limité. Son interprétation a donc été proposé en association à d'autres paramètres tels que la FEVG en ETT, l'enregistrement Holter et/ou la stimulation ventriculaire programmée [15] . Aujourd'hui l'ECG HA n'a plus sa place dans cette indication.
Autre :
La recherche de potentiels tardifs a également été étudiée dans de nombreuses autres situations (syndrome de Brugada [16], syndrome de dépolarisation précoce[17], cardiomyopathie hypertrophique[18] par exemple) à visée diagnostique ou pronostique mais les résultats ne sont pas concluants.
ECG HA et onde P
L'analyse de l'onde P en haute amplification a pour objectif d'évaluer de manière non invasive la fibrose atriale et donc de prédire risque de fibrillation atriale (FA).
En 1991, Fukunami a proposé des marqueurs pronostiques de FA : un voltage des 20 dernières millisecondes de l'onde P (LP20) < 3,5 µV et une durée de l'onde P filtrée (40-300 Hz) > 120 msec [19]. En 1994, Gencel a établi une corrélation entre des anomalies de l'onde P sur un ECG HA et la vulnérabilité atriale chez des patients avec AVC cryptogéniques [20]. Le niveau de preuve n'est toutefois pas suffisant pour initier un traitement anticoagulant en se basant des anomalies morphologiques de l'onde P en l'absence de FA documentée.
En cas de FA non valvulaire, l'indication d'anticoagulation est basée sur le score CHA2DS 2VASc mais la stratification du risque embolique est meilleure en intégrant l'analyse de l'onde P. [21]
Références
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